Le Lac Dalakan, un espoir collectif à l’épreuve des pressions climatiques

Dans le sud du Mali, comme partout où il y a les fleuves, il y a les lacs temporaires. Ces lacs ont leurs valeurs sociales et culturelles, depuis des décennies. C’est le cas du  Lac Dalakan, dans la commune de Koussan. Chaque année, la pêche du Daala est organisée dans le village de Dalakan. L’équipe de Mali-Folkecenter Nyetaa a participé  à cet événement. Il ressort que les changements climatiques ont un grand impact direct et indirect dans l’abondance de poissons dans le lac. Ce qui a son tour a un grand impact sur la motivation des populations dans les travaux communautaires d’entretien du  lac.

La pêche du  « Daala» est un évènement socio culturel qui renferme les germes d’une prise de conscience de l’homme vis-à-vis des ressources ; elle matérialise la manifestation des effets des changements climatique et interpellent la population autochtone sur la responsabilité humaine dans la dégradation d’une ressource sur laquelle le village s’identifie.

La pêche du «  Daala » est ouverte à l’ensemble des 16 villages de la commune de Koussan et enregistrait par le  passé la participation des communes voisines (Gouniaga, Mafèlè), respectivement des Cercles de Bougouni et Yanfolila. Sa gestion relève de la concertation des chefferies traditionnelles mais un leadership focalisé sur le village d’accueil pour un contrôle de proximité ; celui-ci délègue un responsable qui est la mémoire cadastrale, et qui organise des cérémonies rituelles marquant le lancement officiel de la pêche.

« Il y’a 10 ans de cela, nous n’avions pas de pénurie de poisson, on y pêchait de gros Capitaine de poisson allant de 40 à 75 Kg »

Le Lac Dalakan, Yanfolila, région de Sikasso

« Ce Lac est relié aux marres et bas-fonds des réserves de Djinetoumanina et  Diangoumérila. Il est à l’interface entre les fleuves Baoulé en direction de  la commune de Mafèlè et Ballen vers la commune de Gouniaga. L’on observait jusqu’en 1990 la participation de ces communes dans la pêche. Le développement de la transhumance inter-état (Mali vers la Côte d’Ivoire) a fait de notre village une passerelle des transhumants Maliens en destination de la Côte d’Ivoire, transformant le lac en un lieu d’abreuvement convoité », explique le gestionnaire du lac.

Il continue de raconté le passé avec amertume : « Il y’a 10 ans de cela, nous n’avions pas de pénurie de poisson, on y pêchait de gros Capitaine de poisson allant de 40 à 75 Kg.On y pêchait plusieurs d’autres espèces de poisson (Carpes, menu Fretin, silure, etc.). Actuellement, on en trouve que des silures de petits poids. La participation des communes voisines est  réduite car la pêche n’était plus fructueuse, et le niveau du lac a baissé suite à la pression pastorale. La présence massive de ses transhumants coïncide avec la période de décrue intense du lac (Mars – Avril), leur passage sur le lac a provoqué son bouchage progressive. Les gros poissons ne pouvant pas résister à un volume d’eau plus faible du lac se dirige de plus en plus vers les versants qui mènent sur le fleuve Baoulé.

Par contre le lac sert de plus en plus à la fabrication des briques en banco par les villages environnants. Cela fait que son accès reste ouvert et libre pour tout le monde. ».

Par le volume de prélèvement de banco sur le lac, utile à la production de briques, le lac sert de briqueterie aux villages riverains. Si cette activité était associée d’un plan d’exécution, elle pouvait servir de cadre au débouchage du lac. Telle qu’elle se passe, les responsables ont un regard vigilant en ce sens que les limites de confection de briques sont édictées ; elles ne concernent que les bordures du lac.

Cette édition de la pêche de Daala a vu la participation d’environ 475 personnes dont près de 315 femmes et 160 hommes. La tranche d’âge des pêcheurs variait entre 18 et 60 ans et ce sont majoritairement des jeunes filles et des vieilles femmes qui dominent l’élément. Elle a lieu dans un contexte où les communautés ont entrepris des opérations de sortie des troupeaux transhumants sur leur terroir, ce qui explique selon plusieurs témoignages, l’augmentation de la durée des eaux sur le lac (Juin en 2018 contre Février en 2016).

Ce que ma mère gagnait en poisson pouvait assurer notre complément alimentaire pendant près de trois mois.

Le lac Dalakan, Yanfolila, région de Sikasso

La période de pêche dure en moyenne 7 jours et dépend du volume d’eau. Les rites purificatoires ouvrent la voix au lancement de l’évènement ; la première capture de poisson se fait en présence du gestionnaire de lac, le sujet capté lui ai remis pour transmettre au chef du village.

Les témoignages d’une pêcheuse  âgée de plus de 60 ans attestent de la diminution progressive des ressources poissons en poids, en tailles et en abondance ; cette perte progressive est le reflet de la pression des troupeaux transhumants mais aussi à la disparition des travaux communautaire. « Lorsque j’avais 10 ans, j’assistais ma mère à la pêche. Ce qu’elle gagnait en poisson pouvait assurer notre complément alimentaire pendant près de trois mois. Chaque année après la pêche, les villages environnants participaient aux travaux d’entretien collectifs du lac, cela faisait l’objet d’une grande cérémonie collective et regroupait les communautés autour des actions collectives en faveur de la préservation des ressources. »  

Le lac Dalakan, Yanfolila, région de Sikasso

Le lac Dalakan est d’un lac parmi tant d’autres dans les villages riverains du complexe forestier de Yanfolila. La zone dispose d’assez de lacs, marigots et bas-fonds soumises aux contrôles traditionnels et aux dynamiques collectives d’exploitation, de gestion et de contrôle sur les ressources naturelles. Ces mesures de régulation sociale générées par la culture traditionnelle sur les ressources confèrent un caractère sacré qui contribue fortement étendre un système de contrôle participatif. La forte pression pastorale à travers l’évolution croissante de la transhumance transfrontalière pèse lourdement sur la capacité de rétention des eaux sur ce lac, qui a donné naissance au village à travers lequel « Dalakan » s’identifie. L’histoire des marres, lacs, marigots et leurs modes d’accès, contrôles, gestions et exploitations renferment la climato-sensibilité des communautés riveraines qui est un aspect très important dans la situation actuelle des changements climatiques. Le savoir traditionnel et les mœurs traditionnels sont menacés par plusieurs facteurs, mais il est important de les revaloriser et chercher de nouveaux canaux pour leur valorisation. Ça peut aider également dans la diminution des impacts négatifs des changements climatiques.

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