Restauration des terres : vecteur d’emploi et de l’innovation en Afrique
Dans une tribune au Financial Afrik, Ibrahim Thiaw, Secrétaire général adjoint des Nations Unies et Secrétaire exécutif de la Convention des Nations Unies sur la lutte contre la désertification (CNULCD), exhorte à redonner vie aux sols d’Afrique pour stimuler l’emploi des jeunes.
L’Afrique est à un tournant critique où la dégradation des terres devient une menace imminente pour sa prospérité économique et sociale. Chaque année, des millions d’hectares de terres fertiles sont perdus, transformant des écosystèmes autrefois luxuriants en paysages stériles. Cette situation met en péril non seulement les moyens de subsistance des communautés rurales, mais aussi l’avenir des jeunes qui se battent pour trouver des opportunités dans un environnement de plus en plus hostile, décrit Ibrahim Thiaw dans une tribune publiée le 26 juillet dans les colonnes du journal économique.
En Afrique, environ 65 % des terres arables sont déjà dégradées, entraînant une perte de biodiversité et une réduction drastique des rendements agricoles. Cette dégradation représente un coût économique colossal, évalué à environ 68 milliards de dollars par an, selon les experts. Les conséquences sont alarmantes : diminution des revenus agricoles, explosion du chômage, et migration forcée des jeunes vers les villes, exacerbant ainsi les problèmes d’exode rural et l’expansion des bidonvilles.
100 millions d’emplois verts
Cependant, insiste le spécialiste, cette crise présente également une opportunité significative pour transformer ces défis en leviers économiques. La gestion durable des terres peut être la clé pour créer des emplois et générer de la richesse. Les études montrent qu’un dollar investi dans la restauration des terres peut générer jusqu’à 30 dollars de bénéfices économiques. Ce retour sur investissement comprend des gains tels que l’augmentation de la productivité agricole, la création d’emplois, et une amélioration de la sécurité alimentaire et de la résilience face aux changements climatiques, explique ce haut fonctionnaire.
Des initiatives comme la Grande Muraille Verte, qui vise à reboiser 100 millions d’hectares de terres dégradées d’ici 2030, montrent l’énorme potentiel de la restauration des sols. Ce projet pourrait générer environ 10 millions d’emplois verts et ouvrir la voie à des innovations dans des secteurs tels que l’agroforesterie et la gestion des ressources en eau.
En outre, la production d’énergie renouvelable, même hors réseau, peut améliorer les conditions agricoles et réduire les pertes après récolte. En soutenant des projets comme ces exemples, nous créons des opportunités dans des domaines émergents et facilitons une transition vers une économie plus durable et inclusive, démontre-t-il.
Des jeunes porteurs de solutions
L’Afrique dispose de la population la plus jeune du monde, avec 70 % des habitants de la région n’ayant pas encore 30 ans. « Répondre à leurs aspirations en matière d’emploi, d’éducation et d’entrepreneuriat est crucial. Les jeunes doivent être au cœur de la prise de décision, avec un accès à une éducation de qualité axée sur le développement durable, et des opportunités dans des secteurs innovants liés à la gestion des terres », plaide-t-il.
Pour inverser les tendances actuelles de dégradation des terres, il est impératif que les gouvernements, les organisations internationales et le secteur privé unissent leurs efforts. Les programmes de mentorat, les financements pour des projets dirigés par des jeunes, et les partenariats intergénérationnels peuvent catalyser des changements significatifs.
Des exemples inspirants émergent à travers le monde. En Afrique subsaharienne, des jeunes et des femmes réhabilitent des terres dégradées avec des techniques de reforestation. En Asie, des start-ups dirigées par des jeunes développent des solutions pour une agriculture durable. En Amérique Latine, des mouvements de jeunesse militent pour des politiques plus équitables en matière de gestion des ressources naturelles.
Améliorer l’employabilité des jeunes
La sécheresse et la désertification continuent de menacer notre existence. La Conférence des Parties (COP16) de la Convention sur la Lutte contre la Désertification, prévue à Riyad en décembre 2024, sera un moment crucial pour élaborer des politiques qui garantissent les droits fonciers, promeuvent l’équité et impliquent ceux qui dépendent le plus de la terre dans les processus décisionnels.
Les jeunes ne sont pas seulement les leaders de demain, mais les acteurs du changement d’aujourd’hui. En investissant dans leur potentiel et en les engageant activement dans la lutte contre la désertification, nous pouvons non seulement améliorer leur employabilité mais aussi bâtir un avenir plus résilient et prospère pour le continent africain, conclut-il.